Mémoires d'Anton Viersky
Note 1
Je suis le fils du Comte Piotr Alexeievitch Viersky. Ma famille est établie dans la région de Smolensk mais en raison de l'avancée de l'envahisseur elle a dû se réfugier dans sa demeure de Saint-Pétersbourg. Mon père, vieux soldat et homme dur et rigide a décidé que je devais rejoindre l'armée sans trainer avec les hommes de nos terres de Smolensk qui nous avaient suivis dans notre fuite vers St. Pétersbourg.
Mon père a tout organisé jusque dans le moindre détail : il m'a obtenu un brevet de Ss-Lieutenant et le commandement d'un bataillon, il a convaincu un de ses anciens sous-officier, Evgeni Fedorov, de reprendre du service pour prendre la direction de ma seconde compagnie, il a commandé les uniformes et choisi les armes...
A mon départ il m'a fait jurer de faire mes armes dans l'Armée du Maréchal car il estimait que c'était le seul endroit honorable pour servir. Il avait une opinion sans nuance sur ce point :
- La Garde n'était qu'un "tas de prétentieux incompétent".
- Les Grognards : "des traîtres déloyaux".
- L'Armée du Tsar : "n'a d'armée que le nom !"
- Les partisans du Lys : des vagabonds poudrés sans terre !
- Les Cosaques : "des bestiaux puants !"
- La Troupe des Partisants : "des moujiks crasseux qui n'ont même pas l'excuse d'être Cosaque"
Ce dernier commentaire, maintes fois répétés, avait causé beaucoup de peine à ma soeur Nadia Fedorovna Viersky fiancée à un Officier de la Troupe des Partisans du nom d'Yvan Makarenko. Celui-ci avait renoncé à une carrière d'Eglise pour les beaux yeux de ma soeur. Malheureusement, la guerre l'a emmené loin d'elle et son choix de régiment n'eu pas l'heur de plaire à notre redoutable père.
Arrivé au front, sans surprise, je me suis présenté au bureau de recrutement de l'Armée du Maréchal et j'y fut admis dans la 2ème Brigade de Kristov Illianov. Ce fut aussi le moment où la Gazette de Russie se fit l'écho de la mort de Yvan Makarenko et de ses dernières paroles qui furent non pour ma soeur mais pour un officier féminin du nom de Nathalie. Quelle déception pour Nadia Fedorovna et quelle démence de mon pauvre père qui n'arretait plus de faire l'éloge de Makarenko depuis qu'il avait appris qu'il était mort en commandant son régiment. Sénile fierté mal placée !
Je fis mon baptême du feu dans les marais gelé au sud de la ville des maréchaux. J'y arrivais à peine que l'ennemi menait une offensive sur toute la largeur du front. J'y fit la connaissance du lieutenant Tchékov, un officier de valeur qui me fit bénéficier de son expérience.
Pendant les heures de répis j'essayais (comme promis à ma soeur)d'entrer en contact avec le Capitaine Adjudant-major Nathalie pour en savoir plus sur sa relation avec Makarenko (ma soeur souhaitait en avoir le coeur net afin de pouvoir vivre son deuil l'esprit serein). Je fini par la rencontrer : une femme au langage clair qui, sans embage, me remis à ma place avec mes peu reluisants soupçons ! Je découvris ainsi un personnage étonnant qui envisageait de créer un nouveau régiment avec rien moins que l'appui de son Altesse la Tsarine en personne. V. Zaitsev, un autre ami de Makarenko, me proposa de me joindre à ce projet mais je déclinais en raison de l'exigence de mon père le Comte.
Dans la fumée et la fureur des combats, un nouvel Anton Viersky venait progressivement au monde. Je voyais la confiance de mes hommes, la mort et le sang des hommes, je sentais que je pouvais commander et donc décider alors pourquoi laisser un autre dicter mon avenir, pourquoi mon père ne pourrait-il pas changer une nouvelle fois d'opinion !
Après ma première victoire sur l'ennemi, ma décision fut prise : je tiendrai avec honneur et opiniâtreté ma place au front jusqu'à la prochaine relève aux tentes. A ce moment, je rejoindrai le nouveau régiment de Jägers et servirai pour la Tsarine ! Par ailleurs, mon père n'aura pas encore eu l'occasion d'émettre une opinion quelconque sur cette unité !
Je me suis tenu à ma décision (pour la première fois de ma vie) et je marche maintenant vers le front sous l'uniforme du 6ème bataillon de Jägers dont j'ai reçu le commandement (à l'essai pour un mois il est vrai).
Tsarine : me voici !