Esquivant les verres d'alcool qui lui tendaient les bras, Pontmercy gardait un sourire de façade, riant et faisant semblant de rien tout en discutant à voix basse avec Chaudard en se promenant au sein de l'immense bivouac international.
-Ne crois pas que nous ayons déclenché tout cela les mains vides, l'échec était le pire des dénouements mais aussi le plus craint...
Je vais aller gouter à ce tonneau là bas, non pas qu'il soit meilleur que le vôtre dont j'ai pu apprécier le bouquet mais comprenez que je cherche à découvrir les différentes saveur de votre culture, se déroba le commandant du IIIème CA face à un soldat Russe armé d'un tonnelet.
Songeur, il se parlait également à lui même: "foutue femme, le cigare n'est pas un méfait mais je pourrais me noyer dans l'alcool par ici..."
-Nicolas, moi et d'autres avons réuni certains documents compromettants, même pour Bonaparte. Pas assez pour lui faire quitter le pouvoir, mais suffisamment pour que tu puisses marcher la tête haute.
J'ai déjà un verre à la main, je vous remercie, pirouetta à nouveau Georges.
"C'est que de la flotte malheureusement." La fête battait son plein, les soldats ayant si peu de repos et tant d'espoir qu'ils s'y adonnaient comme si un traité de paix avait été signé.
-Nous pourrons négocier ton absolution. On parlera d'un stratagème monté pour décapiter le réseau de rouges ayant infesté l'armée: tu auras accepté d'assumer l'opprobre pour la patrie et grâce à cela les révolutionnaires robespierristes se seront dévoilés, puis fait fumer par les fidèles de la Garde... Des conneries de ce tonneau là quoi.
Tu sais que je ne picole plus Fred.
-Mais Major, c'est les réjouissances, l'amitié, tout ça...
-Fred, on parle sérieusement là.
-Ah ouais, je vois, fit l'aide de camp de Pontmercy avec un air de conspirateur. La politique.
-Pourquoi tu te tapotes le pif Fred ?
-Ben, c'est pour montrer que je suis au parfum...
-Ah ça, tu nous embaumes de tes effluves alcoolisées. Je sais que c'est ton parfum favori, mais n'en abuse pas s'il te plaît.
"Sacré Fred, content qu'il n'y soit pas resté. Des milliers de morts pour rien... enfin non. On était à une couille. On a montré qu'on était encore là. Le Corse ne va plus se sentir en sureté à présent, il fera des erreurs... et on sera toujours là."
-Qui sait, tu auras peut être une médaille ? lança Georges avec un clin d'oeil. Les informations confidentielles étant divulguées, sa voix revint à un niveau normal:
-T'en fais pas va, on gèrera pour toi. Nos contacts sont probablement déjà sur le coup.
L'oeil du major Pontmercy se fit mélancolique alors qu'il regardait les festivités. Il n'était pas sûr de revoir ça un jour, et surtout entre les soldats de ces deux nations. Les hommes ribaudaient, l'alcool aidant à ne pas distinguer la couleur de l'uniforme. Ceux qui ne maitrisaient pas la langue de l'autre se passaient de mots et trinquaient, tout simplement. Sur le sol se côtoyaient barriques, armes déchargées ou couvertes d'un fourreau et hommes pleins comme les premières, qui étaient vides.*
-Je me demande bien comment nous allons nous arranger demain pour leur faire lever le camp à ces poivrots. Certains doivent s'imaginer que la guerre est terminée. Pauvres diables...
HRP/
*Relisez cette phrase une ou deux fois si vous n'avez pas compris.
Toujours pas ? Ça casse pas trois pattes à une fougère spermophage (="qui mange des spermophiles", bien évidement) mais si ça vous turlupine ma boite à MP est là.