par Pokotylo » Lun Nov 16, 2009 10:44 am
Pokotylo était occupé à tailler une bavette Piotr Sarlov, en se baissant de temps en temps pour éviter les gobelets volants qui tombaient des fenêtres de la ville.
Pokotylo : « Alors, ça dégage les sinus, c’t’odeur de poudre, non ? »
Piotr : « ça fait du bien, surtout accompagné d’une barrique de Nuit-Saint-Goerges piquée aux franskys ! » il accompagna son commentaire en cassant le col d’une bouteille qu’il versa ensuite dans son gosier.
Pokotylo lui prit la bouteille (entre deux rasades) pour en gouter également de contenu : « Rhaaa, sont peut-être faisandés, ces franskys, mais faut dire qu’ils s’y connaissent en vinasse ! »
Piotr : « Raison de plus pour les raccompagner jusqu’en France, après leur petit voyage en Russie. »
Pokotylo : « T’as raison, faudra leur rendre la politesse. Nous irons visiter leur pays quand ils auront fini de visiter le nôtre. »
Piotr : « C’est ça, dans une esprit de pure bonne entente. »
Pokotylo : « Et on ira dire bonjour à leurs dames, histoire de montrer qu’on a de l’éducation. »
Piotr : « On peut être rustre et cultivé, quoi ! »
Pendant ce temps, la bataille s’était déplacée au nord ouest de la ville. Les hommes du jeune Istvan et du bedonnant Vitali avaient massacré toute résistance fransky dans le centre de la ville. De filets de sang commençaient à rouler dans les rigoles des rues en pentes. Les bataillons cosaques n’avaient plus de bataillons que le nom : tous les groupes étaient mélangés.
Les cosaque qui étaient le plus près du centre ville continuaient de chasser l’envahisseur fransky en les rabattant vers des unités russes qui avaient eu la bonne idée de s’infiltrer au nord du pays.
Ceux-ci les recevaient en bon ordre, allignés dans les rues du faubourg nord de la ville. Ces hommes appartenaient à l’Armée du Tsar et aux Jägers d’Ostermann Tolstoï. Les gars de l’armée avaient la baïonnette solide et les Jägers avaient le coup de feu dévastateur ! Pas un fransky ne passait les mailles du filet !
Tentant malgré tout d’en réchapper, certains officiers franskys avançaient vers les cosaques, levant les mains en l’air ou dressant des mouchoirs en guise de drapeau blanc. D’autres tendaient leur bourses pleines d’or à leurs égorgeurs.
Mais rien n’y faisait. Les chashkas brillaient et fouettaient l’air avant de tailler dans le vif tout espoir de survie.
Certains officiers prussiens du Kazak Voïsko tentaient bien de calmer un peu les hommes : « Ach ! Arrêdez ! Ils brantissent tes trabeaux plancs ! »
Mais les cosaques répondaient avec leur humour gras : « Nein, kamarade ! Leurs drapeaux n’étaient pas blanc ! Y ‘avait une tâche rouge sur le tissu et un peu de noir sur le bord ! »
Le teuton : « Effegtivement ! Une tâche rouche, c’est le sang tu fransky qui le tennait et le noir, c’est la poutre de ton fusil ! Komique ! »
Le moujik : « Allons, allons, on ne va pas finasser. Ce drapeux n’est pas blanc. Y’a personne qui vérifiera à quelle heure est apparue la tâche ! » Et sur ce, il se moucha le nez dans la dentelle du cadavre bleus.
Pendant ce temps, dans le quartier sud de la ville, le pillage allait bon train. Les cosaques courraient de maison en maison, fouillant dans les coffres des officiers français et déshabillant les cadavres. Ils reprenaient tous les biens que les naboléoniens avaient volé au cours de leur avancée dans les basses terres de Smolensk. C’étaient des habits de soie, des bijoux, de la vaisselle en porcelaine ou en argent. Et surtout des centaines de bouteilles de vin que les franskys avaient emmené dans leurs bagages.
Certains bourgeois qui avaient survécu à l’occupation ennemie donnaient à boire aux cosaque, espérant attirer leurs bonnes grâces pour éviter que le pillage ne dépasse la simple récupération du butin fransky : ils savaient bien qu’un cosaque ne faisait pas facilement la différence entre de l’or ennemi et la bourse d’un marchand russe.
D’autres habitants amadouaient les cosaques avec des arguments plus légers, les bourgeoises abandonnées par certains maris trops craintifs tentaient d’amadouer leurs sauveteurs en leur dévoilant leurs attraits, soit pour sauver leurs biens, soit pour remercier les cosaques, soit parce que la présence de vrais hommes leur manquait depuis la fuite de certains maris trop lâches.
Les cosaques ne se faisaient pas prier et commençaient à lutiner dans les coins de rues, s’éclipsant ensuite dans les habitations. Entre deux tirs de mousqueterie on entendait également des gloussements et des rires derrière les volets entrebâillés.
Une odeur d’alcool commençait à supplanter l’odeur du sang, les rires gras couvraient le bruit de la bataille qui s’éloignait au nord de la ville. Les cosaques pillaient, buvaient, mangeaient et lutinaient.
C’est à ce moment qu’un cosaque un peu moins sale que les autres s’approcha des groupes éthiliques : « Ou est ton chef de guerre, camarade ? » demandaient-ils à ceux qui étaient encore capable de parler.
« Si tu cherches Pokotylo, il est par là, dans la cambuse, entre les jambons et les barriques. » lui répondit l’un.
« Si tu cherches Dimitri, je crois qu’il est sous le tas de jupes que tu aperçois derrière cette fenêtre, à moins que ce ne soit Waklaw. »
« Et Piwitt ? » demanda l’estafette ?
« Tu vois les deux pieds qui dépassent du grand tonneau, là-bas, dans la ruelle ? Et ben sa tête doit être au fond ! »
« Et les germains ? T’as pas vus les colonels germanophones ? »
« Si fait, kamarade ! » lui rapondit un prussien encore debout grâce à son fusil qui lui servait de béquille : « Berner est en grande conversation dans la chambre à couché de la femme du maire de cette bourgade. » Une vois répondit de l’étage : « J’allais pas coucher dans la rue comme vous ! Tas de ruffians. Les poméraniens ont de l’éducation ! Teüfel ! » Puis on entendit une vois de femme, venant du même étage : « Tais-toi, bavard, et viens voir sous les draps voir si j’y suis ! »
L’estafette fit le tour des officiers:« Pokotylo, la Rada doit se rassembler au pied de l’église à la demande de l’Hetman ! »
« Habramovitch nous appelle ? attend, faut que je sois prêt ! » Et il s’enfilla deux litres de bière, puis attrapa un jambon qu’il posa sur son épaule et sorti de la cave qu’il avait vidée.
Le soldat continua : « Chef Waklaw, Habramovitch te demande au centre du village pour une réunion de la Rada ! »
Waklaw repoussa la jolie aubergiste qui occupait ses genoux et son attention : « Excuse-moi ma belle, nous continuerons notre petite occupation plus tard. »
« Dimitri Sarlov, l’Hetman te fait mander, pour une Rada de circonstance ! » continua le soldat qui était entré dans le salon d’une belle demeure.
Dimitri et Piotr sortirent alors du tas de linges, chiffons et robes qui trônait entre les fauteuils. Pendant que les 7 jolies pensionnaires de la demeure tentaient de remettre de l’ordre dans leurs coiffures et vêtement, rabaissant leurs robes sur leurs jambes rougies et cachant leurs joues empourprées dans leurs mains blanches, tout en étouffant des rires gênés et des soupirs languissants : « N’oubliez pas de revenir, chers messieurs !» leur dirent-elles en s’affalant sur les divans. Piotr donna une bourrade à son frère : « T’as vu, elles nous donnent du monsieur ! » Dimitri lui répondit : « J’aime bien ce côté du beau monde ! »
L’estafette, qui commençait à avoir soif, se fit aider d’un ukrainien pour sortir Piwitt du tonneau vide. Celui-ci s’était endormi, on lui versa un seau d’eau sur la tête :« M’enfin ! ça va pas de réveiller ainsi les honnêtes gens ! C’que vous m’voulez ! »
Le soldat lui répondit, lassé : « Rada ! » aussitôt Perre Witgenstein se leva et parti rejoindre les chefs de guerre. « Ben ça alors, en vl’à un qui récupère vite. » constata le moujik.
Enfin, Berner sorti de la mairie, reboutonnant sa vareuse, une belle bourgeoise le tenant par le bras, dans l’embrasure de la porte .
Berner : « Allons madame, le devoir m’apelle, j’ai un important conseil de guerre avec mes kamarades officiers ! »
« N’oubliez pas de revenir, honorable colonel, je souhaite encore vous satisfaire suite à vos hauts faits d’armes ! » dit-elle en jetant un œil en direction de sa chambre. « Et puis vous devrez également satisfaire mes suivantes ! Jalouses comme elles sont, elles me rendront la vie impossible si vous ne calmez pas leurs ardeurs ! »
Berner emboîta alors le pas aux autres chefs de guerre qui titubaient vers l’église au centre de Vidnoye. Il s’approcha de Pokotylo : « Quelles santé ces femmes russes ! J’vais être crevé si je dois m’occuper de toute la maison ! »
Pokotylo répondit : « T’as qu’a appeler les copains en renfort ! C’est à ça que servent les compagnons de la Rada. Et puis faut toujours en garder un peu pour les autres ! »
Sur ce les chefs de guerre rirent à gorge déployée, tout en rôtant dans des vapeurs de cochonnailles, de tabac et d’alcool.
Le crépitement des balles continuait de se faire entendre, au nord de la ville, mais de façon de plus en plus sporadique. Les chefs de guerre, manquant de glisser dans les flaques de sang et de boue dans les ruelles, aperçurent le clocher de l’église et Habramovitch qui faisait les cent pas sur la grand’place de Vidnoye.
"Attrap' ta balalaïka
Et cours donc boire ta vodkà!"