En ce 1er jour du mois de décembre de l'an de grâce 1812, les cosaques allaient bivouaquer à porter de mousquet du fortin du Bonaparte. Cette ignominie architecturale cachait la lune, haute et pleine. Les échafaudages, fragiles protections, encadraient encore l'édifice de pierre à moitié achevé. Au cours des journées précédentes, quelques héroïques sapeurs "culs-blancs" tentaient de se remettre à l'ouvrage. Mais ils étaient aussitôt pris pour cible par les tireurs d'élite russes et cosaques. Par ailleurs, les franskis peinaient à ne pas céder à la débandade. Ils étaient à deux mesures de vodka de la déroute complète. Même la présence de vieux de la vieille d'Austerlitz ne parvenait pas à redonner du baume au coeur aux cadets!
Ainsi, la fragile carcasse de pierre au crépuscule, n'était-elle qu'un objet de dérision dans les rangs des troupes impériales russes. On disait d'elle qu'il ne manquait plus qu'une bise sibérienne souffle dessus, pour que le fleuron des forts français ne tombe dans un terrible fracas. Dans les rangs russes, on remerciait également les bonapartistes, d'avoir apporté et taillé tant de pierres afin qu'un jour, l'on puisse dresser une ville pour comémorer cette grande victoire à venir. Même Sa Majesté Impériale Alexandre Ier, se gaussait d'une si dérisoire situation. Depuis son "Palais du Tsar", où il accueillait en ce moment toute la Haute Noblesse, il ne se passait pas une soirée sans que l'on ne rie de la débâcle prochaine des franskis, sans que quelques acteurs et compositeurs ne jouent la déconfiture franski. On racontait même, que la Tsar partait souvent dans la forêt voisine, il y a peu encore parcourue par la cavalerie française, pour de longues chasse à cours, traquer le cerf et le sanglier!
Ce soir là, les cosaques ne savaient plus que faire de tous les prisonniers qu'ils avaient fait ces dernières semaines. Ils étaient presque aussi nombreux que le régiment comptaient de cosaques! Ainsi, la Rada décida de leur réserver le sort réservé aux vaincus! Les cosaques installèrent devant leurs lignes, de grands buchers. De l'autre côté, le no man's land, puis le fortin cadavérique, et enfin, les rangs des français épuisés et démoralisés... Les cosaques allumèrent les buchers, embrasant la nuit déjà bien avancée... enfin, les plus braves des cosaques eurent l'honneur de porter les drapeaux franskis qui avaient été ramassés sur le champs de batatille, au milieu de plusieurs centaines de morts... tous s'approchèrent des buchers, et boutèrent le feu aux oriflammes. Ils les firent danser au-dessus de leurs têtes, portés par les chants et rires gras de milliers de cosaques qui narguaient ainsi leurs ennemis!
Rapidement, le jeu se termina... Il n'y eut aucune réaction dans les rangs bonapartistes. C'est alors qu'enchaînés les uns aux autres, des soldats prisonniers traversèrent les groupes cosaques, encadrés par leurs gardiens. Ces prisonniers sales et l'air abattu étaient facilement reconnaissable à leurs uniformes : frocs et baudriers blancs, redingottes bleus... ces franskis avaient été défaits par les troupes du Don, de l'Oural, du Kouban, du Dniepr. Ils supporteraient ce soir l'humeur des cosaques revanchards!
Ils furent alignés face aux positions françaises, séparés à intervalles régulières par les buchers flamboyants. Encouragés par leurs geoliers, ils furent encouragés à appeler leurs compagnons, qui étaient encore en vie et libre à quelques centaines de mètres de là...
"_ Au secoooouuuurs....!
_ A l'aaaaaaaiiiiide...!!!
_ Venez nous libéreeeeeeer....!
_ Nous ne voulons pas mouriiiiiir...!"
Soudain, la mitraille assourdissante et une pluie de plombs vint achever la mise en scène. Des centaines de prisonniers français venaient d'être fusillés. Une dizaine de cosaques, enfin, shaska au poing, passa au milieu des cadavres , mettant fin aux râles des supplices de ceux qui avaient survécu aux tirs!