La clef au fond du panier

Racontez vos histoires autour d'un verre sous la tente...

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Evenflow (Mat. 46865)
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La clef au fond du panier

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          • La clef au fond du panier
      • Une histoire écrite par Evgeny Mikhaïlovitch Flowsky

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(Un roman publié sous forme de feuilleton
au rythme d'un épisode toutes les 46 heures.

Afin de rompre l'ennui de l'officier d'astreinte dans un bâtiment. :(

Afin de redonner un peu de gaieté au camp russe,
le camp français étant très gai de nature.8)

Les commentaires assassins sont les bienvenus,
mais la suite de l'histoire m'appartient.:D )
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Evenflow (Mat. 46865)
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              • * * * * * CHAPITRE 1 = LA CARPE * * * * *




Les cinq hommes avaient vidé trois bouteilles de vodka et douze boîtes de Napoléon. La boisson était d’origine incontrôlée. Les pâtisseries étaient confectionnées par la Tsarine en personne. Les boîtes étaient reconnaissables au ruban de résille rose qui maintenait le couvercle. La légende voulait qu’une fois la boîte complétée, la Tsarine prélevait ce ruban sur ses sous-vêtements du jour. Plus d’un officier avait fantasmé sur cette histoire, mais aucun n’en avait vérifié l’exactitude.

La Carpe était un de ces hommes décidés à percer le secret du Napoléon. A lui tout seul, il avait décapsulé onze boîtes. Les rubans jonchaient le sol, les couvercles avaient roulé sous la table. Les miettes décoraient son uniforme de l’artillerie de la 2ème Division de la Garde. Pour la vingt-cinquième fois, il entonna un chant de son répertoire.

Sur une plage, il y avait la Tsarine
Qui avait peur d’aller prendre son bain.
Elle craignait de quitter sa cabine,
Elle tremblait de montrer au voisin,

Un deux trois… elle tremblait de montrer quoi ?

Son petit itsi bitsi tini ouini, tout petit, petit bikini
Qu’elle mettait pour la première fois.
Un itsi bitsi tini ouini, tout petit bikini,
Un bikini rouge et jaune à p’tits pois

Un deux trois… voilà ce qui arriva…


La porte s’ouvrit. Les bottes de l’officier claquaient d’un bruit sec sur le parquet. Le pas décidé du dernier entrant mettait un terme à une longue attente et au chant de La Carpe.

Messieurs. Bonjour et merci d’avoir répondu à mon appel aussi promptement.

D’un air sombre, l’homme qui avait provoqué cette réunion ne perdit pas un seul instant en toute autre forme de politesse.

La situation est grave. Les récentes opérations militaires ne sont pas en notre avantage, nul besoin de vous en dire plus. Et la catastrophe nous guette.

Il sortit de sa veste un document manuscrit.

Voici un témoignage édifiant. Il s’agit du rapport du dernier officier qui a eu entre les mains le dossier Petushinyy. En quelques mots, il nous apprend que ce dossier est resté à MIR. Lors de notre évacuation stratégique de la ville, nous avons laissé quelques archives. Ce dossier n’aurait jamais dû être oublié, mais il l’a été. Il nous faut le récupérer coûte que coûte. C’est pour ce motif que vous êtes présents.

La Carpe se leva promptement. Ce qui eut pour effet de catapulter une bonne quantité de miettes sur la table.

Nous sommes au service du Tsar, mon général !

Les quatre autres officiers, mi-éberlués, mi-hésitants se demandaient s’ils devaient lui emboîter le pas. Ils n’eurent pas le temps de se décider que la Carpe dégaina une seconde fois.

Mais c’est quoi le dossier Petushinyy ? Nous pouvons en savoir un peu plus ?
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Evenflow (Mat. 46865)
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              • * * * * * CHAPITRE 2 = VITALI * * * * *




Au loin, les montagnes commençaient à s’éclairer des premiers rayons du soleil. De la plaine, cela faisait bien des semaines qu’un tel spectacle n’avait été donné. Une brume légère planait délicatement dans le petit matin. Des fleurs tentaient d’éclore. Un crépitement vint à son tour égayer l’atmosphère.

Plic, ploc, plic, ploc-ploc-ploc-ploc… de plus en plus intense jusqu’à ressembler au bruit d’un torrent furieux. Puis de nouveau, un crépitement. Un laps de temps croissant s’écoulait entre chaque impact.

Soudain, un tressaillement brutal secoua tous les êtres vivants des lieux et acheva d’asperger le sol. Les oiseaux s’envolèrent, les lapins détalèrent, un bousier abandonna sa boule pour se précipiter dans son refuge.

Seul un yack resta planté, là, le regard vitreux dirigé vers l’homme en train de rembobiner le film de sa vie après une projection matinale. Chaque sortie de son appendice était une occasion de se rappeler une entrevue plaisante, à défaut d’être féconde. Même si ses descendances, reconnue et supposée, auraient pu constituer une ligne complète d’infanterie.

Un fumet familier envahissait les narines embroussaillées de Vitali. Le fameux colonel Cosaque avait pris l’habitude de remplir ses poumons tout en vidant sa vessie, chaque matin, en l’unique compagnie d’une bête à cornes.

J’aime l’odeur de l’urine dans la bouse de yack le matin. Tu sais, une fois, on a chargé une colline, pendant douze heures. Quand tout a été terminé, j’y suis allé. On n’en a retrouvé aucun, pas le moindre morceau de leurs corps puants. L’odeur, tu sais, cette odeur d’urine mêlée à la bouse de yack, sur toute la colline. Ça sentait… la victoire.

Le yack acquiesça, comme chaque matin depuis que le monde est monde, depuis que Vitali Viatchesla est… Vitali.

Le Cosaque décida d’interroger les Augures. Il expulsa un glaviot chargé. Non sans mal. Quelques fils restèrent accrochés à sa moustache. Il observa la trajectoire de l’agglomérat de salive et des restes du dîner de la veille. Son œil expert en la matière avait tout capté. Les pertes sous formes de postillons jaunâtres, l’effet du vent, jusqu’à l’atterrissage du projectile sur une marguerite. Celle-ci vit sa tige se rompre. Le bouton fut emporté vers le sol et finit sa chute dans la flaque d’urine de la veille.

C’est bien ce qui me semblait. Déjà hier, je le savais !!!

Il jeta un regard attendri sur le yack.

Ah, vieux compagnon ! C’est pas avec tes vieilles couilles fripées que tu pourrais nous suivre, là où nous allons. Tu ne serais pas d’une grande utilité. Il va falloir des Cosaques, ou à la limite des Baggos pour emporter la ville aux Mille Plaisirs.

Il s’en retourna vers un groupement de tentes sur lesquelles séchaient les culottes de sa horde. Il fallait profiter du moindre rayon de soleil pour sécher les moindres recoins de son anatomie quand on faisait partie du KV. Marcher le cul à l’air avant une longue chevauchée était une tradition cosaque, il y en avait bien d’autres.

Kaspar ! Tu envoies ma démission de l’Ecole Militaire Russe à Igor Moleskine, tu rassembles tes hommes et nous filons plein nord. Allons bousculer ces culs blancs.

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Darya (Mat. 49418)
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Message par Darya »

Darya avait fait accrocher une balançoire à un arbre par l'un des Cadets de l'EMR... elle profitait honteusement de son statut de micro-instructrice pour s'approprier les corps musclés des officiers à qui elle dispensait généreusement des conseils qu'elle avait bien du mal à suivre, surtout celui de la prudence.

Donnant des impulsions légères des pointes de pieds pour imprimer un mouvement lent à son amusement de fortune, elle suivait le rythme du souffle chaud de Mini-terreur dont le museau frais et humide était blotti dans son cou. Les yeux rivés sur la dernière lettre d'Evgeny, elle comptait les jours depuis le deuxième épisode de son roman qu'il lui faisait parvenir en avant-première...

Mercredi... vendredi... dimanche... ben non ! pas dimanche justement !

Ni une, ni deux, elle sauta au bas de sa monture de bois, déclenchant un jappement de surprise et s'accroupit auprès de la caisse qui lui servait de bureau.


Mon cousin,


Je n'ai pas reçu le chapitre trois de ton feuilleton hier, tu m'avais dit "tous les deux jours". Enfin, tu m'avais aussi dit que tu viendrais me voir aux beaux jours... enfin passons...
J'attends avec impatience la suite, ne me fais pas languir.


Je t'embrasse Evgeny,

Darya
Pour voter pour le jeu c'est par ici : http://www.jeux-alternatifs.com/Campagn ... e_1_1.html
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Evenflow (Mat. 46865)
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              • * * * * * CHAPITRE 3 = NICOLAÏKOV * * * * *




Mais qu’est-ce que je fous avec une telle bande d’incapables ???!!!

Les sourcils du colonel Nicolaïkov s’étaient élevés au-dessus des têtes de ses interlocuteurs. Ce qui leur procurait une ombre bienvenue en cette si chaude minute.

Oublié ! Juste… oublié ! Mais comment peut-on oublier un document de cette importance ?

Aucun des deux jeunes secrétaires n’osait relever la tête. Ils avaient eu beau se retourner sur leur départ de Tchita… Ils n’avaient aucun souvenir de la cassette argentée qui contenait le dossier si cher au colonel.

Foutez-moi ces deux incapables dehors et qu’on les mute chez les Cosaques. Ils vont y apprendre les choses de la vie.

Deux gardes de la Chancellerie escortèrent les malheureux pour les mettre à l’abri de la fureur du colonel. Une fois seul, l’ex-chancelier, qui avait laissé sa charge quelques semaines auparavant, se demandait comment annoncer la nouvelle. Il fut pris de court par l’arrivée du tout nouveau chancelier, Vladimir Petroiv.

Bonjour Niko, il y en a un barouf dans ton bureau. Des soucis ?

Mentir ou avouer l’inavouable ? Niko balbutia une histoire à dormir debout sur un mur face à l’océan.

Trois fois rien, Vladimir. J’avais commandé un modèle de tenture pour ma nouvelle tente au sud-est. Je voulais un coloris jaune bouton d’or. J’ai laissé un imbécile seul dans mon bureau pour finaliser la commande et je me trouve avec un jaune poussin.

Le néo-chancelier resta coi à l’évocation des soucis de décoration de son hôte. Celui-ci enchaîna.

J’ai une affaire plus préoccupante. La chancellerie est à la recherche de documents hautement confidentiels. Ils seraient cachés à Tchita. L’ennemi tient la ville et je ne vois pas comment m’y prendre. Si nous devons attendre que le camp russe reprenne la ville, je crains qu’il faille attendre longtemps.

Vladimir passa une main rugueuse sur sa barbe naissante.

Infiltrez une unité. Le coin est isolé, ça devrait passer comme une troupe de Cosaques dans un bouge de MIR, si vous me permettez l'image.

Niko retrouva le sourire.

Vladimir. Je peux vous appeler Vlad ? Je n’ai pas envie d’ennuyer les Romanovs avec cette histoire. Vous connaîtriez un officier capable de remplir une telle mission ?

Vladimir Petroiv était un de ces combattants à qui il ne fallait pas suggérer deux fois les choses. Il était aussi un homme à la parole courte. Avec lui, ni discours superflu, ni effet de manche.

J’ai l’homme qu’il vous faut. Au mieux, l'ennemi ne verra que son ombre.

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Evenflow (Mat. 46865)
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              • * * * * * CHAPITRE 4 = LE GENERAL * * * * *




Dans l’atmosphère de plus en plus lourde du salon, contre toute attente, le général s’expliqua:

La petushinyyite est un mal qui ronge l’armée russe. Un officier atteint par ce mal se dresse sur ses ergots dès qu’il est contrarié. Il a le poil qui se hérisse, son pouls s’accélère, son champ visuel se rétrécit, son audition s’amenuise… Bref, il perd tout ce qui fait de lui un officier russe : son sang-froid et sa combativité. Ou plutôt, celle-ci se retourne contre ses congénères.

L’ambiance austère devint carrément irrespirable. Le grand salon alloué pour cette réunion paraissait une cellule aux murs qui se rapprocheraient les uns des autres. Comme s’il était dans une autre dimension, La Carpe semblait garder toute sa décontraction. Après quelques pichenettes pour expulser les dernières miettes de son uniforme, il reprit la parole.

Il existe des remèdes contre ce genre de maladie, mon général…

Le général afficha une mine désapprobatrice, comme le soir où sa femme lui demanda de l’ensemencer pour la quatorzième fois en quinze ans de vie commune. Pourtant, ses pensées étaient bien loin de la parure de lit qui trônait dans la chambre de sa datcha du côté d’Arkhangelsk.

Le général était féru de chasse. Lors de ses permissions, il ne manquait pas une occasion de traquer le phoque ou le veau marin. Une semaine de permission tous les deux ans, il ne faut pas gâcher. Pendant ces purs moments de fusion avec la nature sauvage, Roksana, sa tendre épouse, rendait visite de courtoisie au monastère voisin. Au fil des ans, les prières volontaires des bons frères de l’Archange Michel se révélèrent indispensables. Sans elles, comment le général aurait-il pu assurer une telle descendance ?

Nos meilleurs experts travaillent, mais nous n’espérons pas de résultat probant avant des mois. Revenons à notre affaire. Les Franzkis ne doivent pas mettre la main sur ce dossier. Il contient des informations hautement stratégiques. Par exemple, il se dit qu’il existerait un moyen d’inoculer le mal à une armée ennemie. Nous devons récupérer le dossier Petushinyy avant que les troupes napoléoniennes ne le trouvent. Il est même possible qu’elles l’aient déjà découvert.

Je ne vous cache pas que la mission s’avère très compliquée. Les enjeux sont de taille. En plus du contenu du dossier, il est avéré que c’est une personne très haut placée à la Chancellerie qui est responsable de l’égarement. Il y a des têtes qui risquent de tomber. La plus grande discrétion est de mise…


Subitement, cinq paires d’eux roulèrent vers La Carpe. Nullement décontenancé par les regards, l’amateur de gâteaux feuilletés claqua des talons sur le plancher.

Mon général, je suis votre homme. Efficacité et discrétion sont la devise de Seyello… de La Carpe, mon général.

Il se mit à chanter, tel un rossignol sur le bord de la baignoire de Darya.

Il suffira d’un signe, un matin
Un matin tout tranquille et serein
Quelque chose d’infime, c’est certain
C’est écrit dans nos livres en russe !!!


D’un geste discret mais plein d’assurance, le général coupa court au récital.

Messieurs, je vous propose d’accorder notre confiance à La Carpe. Il franchira les lignes ennemies, retrouvera l’objet et nous le rapportera. Faites en sorte que vos régiments respectifs facilitent, en toute discrétion, le voyage de notre ami.

Le général prit une longue inspiration. Il fixa chaque officier, tour à tour, à la recherche du moindre signe de défiance.

Messieurs, je vous invite à mettre cette mission sous la protection de l’Archange Michel qui m’a été d’une aide précieuse tout au long de ma carrière.

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              • * * * * * CHAPITRE 5 = MAVUVNIR * * * * *




Des marmonnements entêtants. Des pages qui se tournent. Des estomacs qui gargouillent. A n’en plus finir… A midi pile, les cloches de l’église venaient de mettre fin à l’office. Le cinquième de la journée, la quatrième seulement pour Mav’. Les Sirupeuses s’éparpillèrent, chacune retournant à son ouvrage.

La Communauté des Sœurs Sirupeuses tenait son nom d’une pratique ancestrale remontant au XVème siècle. Ivan III, plus connu sous le nom d’Ivan le Grand, avait interdit toute fabrication de boisson fortement alcoolisée. La décision du Grand Prince de Moscou avait provoqué du désespoir parmi les forces vives du pays. A MIR, les Sœurs avaient poursuivi la production de vodka sous le manteau, ou plutôt sous la robe. Officiellement, elles fabriquaient du sirop. Là où les autorités princières voyaient des barriques de sirop, les assoiffés de tout poil se régalaient bien de vodka. Le breuvage fut ainsi surnommé le sirodka. A notre époque, une église a été construite sur les fondations de la distillerie, l’église de Sirotka.

Toujours tirée à quatre épingles, Mav’ portait la toute nouvelle robe de sa communauté, celle avec un ruban de résille rose cousu sur la poitrine. Aucun de ses cheveux gris ne dépassait de sa coiffe. De son visage, on ne distinguait que ses yeux bleus, irradiant des pommettes légèrement saupoudrées de tâches de rousseur presque effacées.

Mav’ était le petit nom que lui avait donné le dernier homme qui avait partagé sa couche. En réalité, ils ne l’avaient pas atteinte tout de suite et l’affaire avait été consommée bien avant. Il y a des choses qui n’attendent pas. Ou des noms que nous n’avons pas le temps de prononcer entièrement. Elle n’avait partagé l’intimité de cet homme que quelques heures, qui comptaient des siècles pour elle.

Elle se souvient des odeurs de poulain et de chevreau qui flottaient dans la pièce. Tandis qu’il se rhabillait, il lui avait composé un chant d’une infinie poésie. Les paroles l’accompagnaient depuis tout ce temps.

J’ai crevé l’oreiller
J’ai dû rêver trop fort
Ça m’prend les jours fériés
Quand Gisèle clape dehors
J’aurais pas dû ouvrir
A la rouquine carmélite
La mère sup’ Mavuvnir
Dieu avait mis un kilt
Y a du avoir des fuites
Vertige de l’amour.



Depuis cette aventure, bien des substances avaient circulé dans les alambics de Sirotka. Dans cette paisible banlieue de MIR, Mavuvnir avait fait son chemin dans la vie. Une vie toute dévouée à l’amour… du Christ, jusqu’à se voir portée à la tête de sa communauté après 57 ans de présence.

La guerre avait bousculé les habitudes. Les incessants va-et-vient des deux armées n’étaient pas pour déplaire aux Sœurs, mais il fallait supporter toutes les misères engendrées par la guerre : les destructions, les pénuries, les morts…

A petits pas rapides, la mère sup’ Mavuvnir se dirigeait vers le réfectoire. Elle poussa la porte et alla s’asseoir près d’une novice. Elle ne supportait plus d’être seule à table, à subir les regards envieux de ses congénères.

Une fois le repas servi, elle se pencha insensiblement vers sa voisine et commença à chuchoter.

Sœur Gisèle, avez-vous l’objet ?

Un long moment s’écoula avant la réponse.

Oui.

Quelques bouchées plus tard.

Est-il en lieu sûr ?

Un léger frémissement parcourut la jeune none.

Oui, comme convenu.


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              • * * * * * CHAPITRE 6 = VITALI * * * * *




Malgré un soleil de plomb, deux paysans creusaient le sol à proximité d’une prairie. L'été approchait et la terre devenait de plus en plus sèche. Leur travail pénible était ponctué de longues pauses passées à échanger des idées sur leur prochaine descente en ville. Un peu comme au HEM, ils avaient bien du mal à se mettre d'accord sur un programme. Passer d'entrée chez Maryanna ? Aller à un concert de balalaïka à l'Olympioï ? S'enivrer de vodka au Goulot du Tsar ? Bref, toujours un casse-tête qui allongeait les temps de pause.

L’un d’entre eux leva sa pioche et se figea subitement. Ses immenses esgourdes venaient de capter un signal inquiétant. Jamais il n’avait entendu un tel son. Sa mémoire se mit à fouiller au plus profond de lui, mais non, cela ne lui rappelait rien. Il posa sa pioche pour réduire les tremblements qui commençaient à parcourir ses jambes. Jusqu'au moment où il aperçut une toile d’araignée luisante qui venait droit sur eux.

Vikhtor ! Couche-toi !

Juste le temps de le dire et de se jeter dans l’herbe haute que l’araignée était sur eux. Quand elle fut à proximité, il se rendit compte de sa méprise. Il s'agissait d'un Cosaque ! Un gigantesque réseau de filets de bave reliait les lèvres du cavalier à la crinière de sa monture. Le bruit inconnu émanait de la bedaine du cavalier qui rebondissait où elle pouvait, là où elle débordait. Un souffle puissant parcourut les tignasses des deux compères. Pourtant, ils n'avaient pas été confrontés au meilleur. De dos, le spécimen était tout autant surprenant. Deux boules de poils allaient et venaient entre le corps du cavalier et le dos de la monture. Elles s’allongeaient et se rétractaient au rythme de la chevauchée.

Les deux amis prirent leurs pioches et s’en allèrent aussi vite que leurs jambes le permettaient. Quelques minutes plus tard, une horde de cinquante cavaliers tout en cuirasse découpèrent la campagne sur la trace de Vitali.

Tout en chevauchant il appela Kaspar.

Des nouvelles du Nord ? Studienka ? Wesselovo ? MIR ? Qu’on prépare ma tenue d’apparat pour notre entrée dans la prochaine ville.

Kaspar parut bien ennuyé. Pas tellement pour répondre aux questions, mais surtout pour exécuter la dernière demande de son mentor.

Vitali. Ta dernière tenue d’apparat. Tu l’as jeté à la tête des Franzkis en défendant la mine Baïkal aux côtés des propres sur eux de la 2ème Division de la Garde. Depuis, nous n’en avons pas piqué une seule aux culs blancs.

La contrariété de Vitali se lut sur les rebonds moins francs de ses bijoux de famille.

Puisque c’est comme ça, nous irons à Wesselovo. J’y taillerai quelques chemises et quelques vestes dans les uniformes des Grenadiers Démunis.


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              • * * * * * CHAPITRE 7 = SEYELLOTOUËVEN* * * * *




Les balles sifflaient, les baïonnettes ferraillaient, ça sentait la poudre et le gâteau sec.

Plusieurs bataillons jouaient au chat et à la souris avec les Franzkis dans les bosquets à l’ouest de la mine Krasnoïe.

Commandant ! Commandant Evenflow !

Even se retourna et aperçut sans joie l’adjudant Seyellotoëven. Le garçon lui avait été recommandé par Sergeï « le pied », un vétéran. Cet ancien grenadier devait son surnom à un fait d'arme unique dans les annales. Il avait anéanti une section à lui seul, à coups de pied ! De mauvaises langues racontent que c'est plutôt à cause de ses dispositions au tir, il tirait comme un pied. Et d'autres langues bien désinfectées par la vodka avancent qu'il aurait été renvoyé de l'armée à cause d'une vilaine blessure au pied. Le fait est que Sergeï boite quand il marche, entre deux tavernes remplies de vétérans.

Son vœu le plus cher était de voir son fils devenir son digne successeur dans l'Armée de la Sainte Russie. Mais le rejeton échouait à chaque fois qu'il se présentait aux épreuves de sélection à l'entrée de l'Ecole Militaire Russe. Il ne parvenait pas à remplir ce satané formulaire sur lequel il fallait écrire son nom et un code secret. Et pour cause, il avait toujours préféré chanter que d'apprendre les lettres à l'école.

Evenflow, jeune lieutenant, n'avait su refuser ce prometteur soldat comme sous-officier dans son bataillon. Alors qu'il venait de se former aux techniques de combat les plus rudes, sous les ordres de l'ours Michka, Even se rendit vite compte que le malheureux Seyellotouëven était incapable d’appliquer la moindre manœuvre militaire. Pour ne pas décevoir Sergeï et pour ne pas pénaliser son bataillon, il l’avait finalement affecté à la compagnie d’artillerie. Seyello était ravi, les canons étaient flambant neufs. Et pour cause, ils n’avaient jamais servi.

Commandant, puis-je vous entretenir en particulier ?

Even craignait le pire. Mais il ne s’attendait vraiment pas à la suite. Une fois installés à l’abri de la mitraille et des oreilles indiscrètes, Seyello exposa fièrement les motifs de sa venue.

Le 2ème bureau du Ô Etat Major m’a confié une mission. Je suis en partance pour MIR, je dois retrouver des documents ultra sensibles qui pourraient renverser le cours de la campagne.

Le commandant se pinça pour ne pas s’esclaffer. Gardant son sérieux, il se fit expliquer par le détail les tenants et les aboutissants de la mission.

Adjudant Seyellotouëven. Je connais MIR, ses églises, ses tavernes, ses plages... Mais en ce moment, voyez-vous, il n'y a que deux types d'hommes qui se rendent à MIR. Ceux qui vont mourir avant d'atteindre les plages de MIR et ceux qui vont mourir sur les plages de MIR. Quand votre père vous a confié à moi, ce n'est pas pour que je vous envoie vers une mort certaine.

Un coup d'oeil rapide du commandant vers Seyello lui confirma la déception de son protégé. Il avait perdu au moins le quart de sa taille et surtout son légendaire faciès marqué par une inébranlable joie de vivre.

Mais le destin est étrange, parfois. Il se trouve que j'ai une mission de la plus haute importance pour un homme qui n'a pas froid aux yeux. J’ai un colis d’une valeur hautement stratégique. Il doit être livré dans les plus brefs délais à ma cousine Darya. Si jamais il arrivait qu’on égarasse ce colis, je ferais passer par les armes les responsables de ce malheur. Et je m’étais dit que je ne pouvais confier ce genre de mission… qu’à vous!

Even fixa l’adjudant d’un air grave.

Plusieurs officiers de grande valeur ont refusé cette mission une fois qu’ils en ont pris connaissance. Le major El Lissitzky, Konrad le Prussien et tant d’autres. Vous ne pouvez pas me laisser tomber sur ce coup, Seyello.

Il sortit de sa poche un petit sac qu’il tendit à son adjudant qui, une fois n’est pas coutume, était bouche bée.

Pour vos gages, Seyello, prenez ce sac. Il contient des gâteaux que j’ai prélevés sur le paquetage d’un Franzki, au moulin Libau. C’était une certaine Madelaine de Commercy qui les lui avait envoyés, regardez, on peut encore lire l'adresse de la mignonne.

En prononçant cette dernière phrase, Even se rendit compte de sa bourde alors que la partie semblait presque gagnée.

Et pour l'ordre de mission du 2ème bureau ?

Seyello n'était pas du genre à oublier. Even le rassura définitivement.

Je m'en occupe personnellement. N'ayez crainte. Allez vous préparer pour la petite expédition.

Seyello se releva, bravant la mitraille. Il rangea précautionneusement le sac de Madelaine dans sa poche gauche. La droite étant trop souvent occupée par sa main droite pour se soulager d'embarrassantes démangeaisons.

Une dernière chose, Seyello. Ma cousine Darya est friande de chant accompagné de quelques accords de lyre. Ne manquez pas de lui exposer tous vos talents en la matière.

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